Dr Lamine Ndiaye - Le biogaz une réponse opportune ?
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Le biogaz est un gaz combustible, composé essentiellement (60%) de méthane (CH4) et de gaz carbonique (CO2), provenant de la décomposition de matières organiques, en l'absence d'oxygène. Ce procédé est appelé méthanisation.
Le biogaz peut être produit à l'aide de digesteurs (méthaniser) ou être directement capté dans le centre d'enfouissement technique (CET). Toutes les matières organiques peuvent être transformées en biogaz, cependant tous les substrats n'ont pas le même potentiel méthanogène. Les lisiers, les déchets agricoles et les cultures énergétiques peuvent être méthanisés dans des petites unités de biogaz à la ferme ou dans des unités collectives qui traitent différents types de déchets associés à une part importante de lisiers. Les effluents peuvent être méthanisés au sein des stations d'épuration. Les déchets verts et les déchets municipaux solides peuvent également être transformés en biogaz dans des unités de méthanisation de déchets solides.
La méthanisation permet aux agriculteurs, notamment les éleveurs, de remplacer leurs engrais chimiques par le produit issu du méthaniseur, contribuant ainsi également à résoudre les problématiques de stockage et traitement des déchets.
Comment valoriser le biogaz
Le biogaz produit peut être valorisé sous plusieurs formes:
- Chaleur : La combustion du gaz dans une chaudière.
- En co-génération d'électricité et de chaleur : le biogaz utilisé comme un combustible dans un moteur qui va entraîner un alternateur et produire du courant. Le courant peut d'abord être utilisé en auto-consommation sur les lieux (autonomie) et ensuite vendu à l'extérieur (obligation d'achat de l'électricité produite à partir de sources renouvelables). La chaleur dégagée par le moteur est récupérée et peut être valorisée pour le chauffage de logements, des besoins industriels ou bien pour la production d'eau chaude sanitaire.
- Gaz de réseau : l'injection de biogaz (épuré pour atteindre la norme du gaz naturel - 97 % de méthane) dans le réseau gaz naturel ou dans un réseau décentralisé.
- Carburant pour véhicules.
Le défi actuel
En vue de limiter à 2 °C le réchauffement de la planète lié au changement climatique, le Conseil européen a confirmé de nouveau en février 2011 l’objectif de l’UE de réduire ses émissions de gaz à effet de serre à raison de 80 à 95 % d’ici 2050 par rapport au niveau de 1990. Ces accords prévoient l'engagement d’élaborer des stratégies de développement à faible intensité de carbone sur le long terme.
La stratégie Europe 2020 pour une croissance intelligente, durable et inclusive pose cinq grands objectifs relatifs à la position que devrait occuper l’Europe en 2020. L’un d’eux a trait au climat et à l'énergie: les États membres se sont engagés à réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES) de 20 %, à porter à 20 % la part des énergies renouvelables dans l'approvisionnement énergétique de l’UE et à réaliser l’objectif d’efficacité énergétique de 20 % d’ici 2020.
Cela définit un nouveau terrain de jeu pour l'industrie de l'énergie en Europe.
Aujourd'hui, environ 66% de l'énergie renouvelable, en Europe, viennent de la bioénergie et les projections qui sont faites permettent d'établir que cette part restera au minimum à ce niveau, mais devrait augmenter considérablement.
Il faudra cependant, en Europe, pour mener à bien la croissance nécessaire afin d'atteindre les buts fixés, mobiliser toutes les forces politiques, technologiques, industrielles, énergétiques, agricoles, gestion de déchet, forestières et financières.
Il faudra coordonner tous les efforts pour atteindre, en 2020, l'objectif de 20% d'énergies renouvelables. A l'intérieur du secteur de la bioénergie, l'augmentation de l'utilisation du biogaz ouvre de nouveaux champs d'application, là où la biomasse n'a pour l'instant pas joué de rôle majeur.
Selon une étude de l'Institut pour l'Energie et l'Environnement de Leipzig (Insitut für Energetik und Umwelt), le potentiel théorique de biogaz en Europe s'élève à 500 milliards de mètres-cubes (ce qui représente 166 millions de tonnes équivalent pétrole de production d'énergie primaire, à comparer aux 5,9 millions de tonnes équivalent pétrole tirées du biogaz aujourd'hui). Cette énergie pourrait remplacer, à terme, les importations de gaz naturel en provenance de Russie (dans plusieurs dizaines d'années).
Le secteur du Biogaz en Europe
En 2008, l'Association Allemande sur le Biogaz (German Biogas Association) estimait que 20% des besoins en gaz naturel de l'Allemagne seraient couverts par le biogaz en 2020, et qu'en 2030 le biogaz remplacerait tout le gaz importé de Russie par l'Allemagne.
L'expérience montre cependant qu'aujourd'hui, en Europe, la consommation de biogaz est très variable sur le continent et que le degré de pénétration du marché de l'énergie dépend beaucoup des mesures incitatives prises par les différents pays.
L'Allemagne, l'Autriche et le Danemark produisent une grande partie de leur biogaz dans les exploitations agricoles, en utilisant l'énergie des récoltes, des sous-produits de l'agriculture et des lisiers, alors que le Royaume-Uni, l'Italie, la France et l'Espagne utilisent surtout les gaz résultant de l'enfouissement des déchets.
L'UE s'est fixé un objectif ambitieux d'augmenter les investissements en faveur du secteur du biogaz à 25 milliards d'euros d’ici 2020. Une analyse récente des (Plans d'Actions nationaux d'Énergie renouvelable) (NREAPs) effectué par le Conseil européen d’Énergie renouvelable (EREC) montre que les États membres européens ont fourni des objectifs pour le biogaz fortement ambitieux, qui auraient besoin de dispositifs de soutien solides pour leur permettre de les atteindre.
Le secteur du biogaz en France
Encore peu développée en France, la méthanisation dispose d'un potentiel économique et industriel important notamment pour les agriculteurs. La méthanisation est une opportunité pour construire une agriculture et respectueuse de l'environnement mais c'est également une solution pour résoudre le problème de traitement des déchets.
La loi num. 2009-267 du 3 aout 2009 de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l'environnement, place la lutte contre le changement climatique au premier rang de ses priorités. Dans cette perspective, la loi confirme l'engagement pris par la France de diviser par quatre ses émissions de gaz à effet de serre entre 1990 et 2050 en réduisant de 3% par an , en moyenne, ses rejets de gaz à effet de serre dans l'atmosphère. La loi inscrit également un objectif pour 2020 de 23% d'énergies renouvelables dans la consumation d'énergie finale. La méthanisation doit atteindre une puissance électrique installé de 625MW en 2020 et une production de chaleur de 555 ktep/an. Ces objectifs reviennent à multiplier par quatre la production d'électricité et par sept la production de chaleur sur une dizaine d'années. Il s'agit de faire émerger une centaine de projets chaque année.
Le soutien en amont aux filières énergétiques s'exerce par le soutien financier aux projets innovants et de démonstration : il s'agit de soutenir l'émergence de nouvelles technologies d'efficacité énergétique, de production, de stockage, distribution d'énergies renouvelables, ainsi que la pratique d'utilisation de l'énergie sobre et innovante.
Le secteur agricole en France contribue pour une part importante à l'économie du pays. Une étude récente de l'AEBIOM, Association Européenne pour la Biomasse montre que la France détient en fait le plus gros potentiel de biogaz d'Europe, mais est, à l'opposé, la plus mal équipée en installations spécialisées.
A l'heure actuelle, la méthanisation apporte une faible contribution aux énergies renouvelables en France. En effet la production d'énergie (électricité, chaleur ou biométhane) produite par digestion anaérobie représente 0,1% de la production d'énergie primaire. Cependant, derrière cette réalité globale, la production d'électricité issue du biogaz a plus que doublé durant ces dernières années. Sur la base des données les plus récentes, il apparaît que le secteur du biogaz valorisé en électricité se caractérise par le poids majeur des décharges, suivi de près par les stations d'épuration. Mais cette situation est en rapide évolution. On observe ainsi que le parc des installations en projet est très élevé.
A ce jour, 20 installations de biogaz sont basées sur l'exploitation des décharges, 10 sur les ordures ménagères, 60 sont des installations de traitement des eaux usées urbaines, 80 sont des installations de traitement des eaux usées industrielles et agro-industrielles, et 48 sont des unités de méthanisation agricole et territoriale (source: Club Biogaz ATEE Sept. 2011). Toutes revendent leur électricité au réseau national.
Le nombre d'installations agro-alimentaires et agricoles est très faible compte tenu du potentiel théorique de la France, mais la dynamique est relativement forte comme le montre le graphe ci-dessous. Fin 2011, 35 installations étaient en construction, de puissance moyenne 470kW, à comparer avec la moyenne actuelle de 200kW (source: Club Biogaz ATEE Sept. 2011).
Les tarifs électricité & biométhane en France
Afin d'encourager l'émergence de la filière, le dispositif de soutien mis en place par le gouvernement comprend:
- l'arrêté du 19 mai 2011 (cliquez ici pour le texte officiel) fixe les nouvelles conditions d'achat de l'électricité produite par les installations qui valorisent le biogaz, cela représente un soutien de 300M Euro /an et une hausse d'environ 1% de la facture d'électricité des consommateurs à l'horizon 2020. Selon les caractéristiques de l'installation, les tarifs sont entre:
- 81,2€/MWh : pour les installations industrielles de plus de 2MW, n'utilisant pas d'effluents d'élevages et avec une valorisation de l'énergie primaire en électricité et chaleur (hors énergie de process) inférieure à 35%
- et 199,7€/MWh : pour les installations de moins de 150kW, avec plus de 60% d'effluents d'élevage et plus de 70% de valorisation de l'énergie primaire
- reconnaissance de la méthanisation comme une activité agricole depuis le 16 février 2011.
- autorisation d'injection du biogaz issu de la méthanisation dans le réseau de gaz naturel en juillet 2011
- l'arrêté du 23 novembre 2011 (cliquez ici pour le texte officiel) fixe les conditions d'achat du biométhane injecté sur le réseau de gaz naturel par les installations qui épurent le biogaz. Selon les caractéristiques de l'installation, les tarifs sont entre:
- 45€/MWh : pour les installations industrielles de plus de 350 m³/h
- et 125€/MWh : pour les installations de moins de 50 m³/h utilisant "des cultures intercalaires à vocation énergétique et des déchets ou résidus provenant de l'agriculture, de la sylviculture, de l'industrie agroalimentaire ou des autres agroindustries"
Plus d'informations sur l'injection biométhane sur le site officiel : www.injectionbiomethane.fr
- aides territoriales à la méthanisation (ADEME, collectivités, ministère de l'Agriculture) pour optimiser le soutien et orienter les projets vers les meilleures solutions aux plans environnemental et énergétiques. Le niveau de subvention moyen est actuellement de 30% des coûts d'investissement (source: présentation ADEME à Biogaz Europe 2011).
Cliquez ici pour un article résumant le contenu des derniers arrêtés tariffaires électricité & biométhane.
La Région Bretagne et Pays de la Loire
Le développement de la filière méthanisation dans l'Ouest constitue un enjeu important et s'inscrit dans la mise en place d'une politique régionale de réduction des émissions de gaz à effet de serre.
Afin de coordonner le développement de la méthanisation, un programme d'accompagnement à été mis en place depuis 2007: le plan biogaz agricole. Ce plan biogaz agricole concerne un territoire à fort potentiel: la Bretagne et les Pays de la Loire. L'Ouest est, en effet, la première région d'élevage et concentre un grand nombre d'industries agro-alimentaires. Soutenu par l'ADEME, les Régions, et animé par l'association AILE, le plan biogaz vise l'émergence d'une filière performante et compétitive sur le plan européen. Pour plus d'information cliquez ici.
Aujourd’hui dans le l'Ouest on peut distinguer deux types de projets agricoles :
- des projets centralisés, multi-acteurs et de territoire, associant traitement de déjections animales, de déchets de collectivités et d’industrie. Le projet de Geotexia, récemment inauguré et aujourd’hui le seul de ce type sur la région.
- des projets portés par des éleveurs, associant déjections animales (généralement lisier), co-substrats extérieurs à l’exploitation (collectivités et/ou industriels), résidus de culture et cultures énergétiques en complément. En avril 2008, l’installation de Alain Guillaume à Plélo (22) est la première à être mise en service et depuis d'autres projets ont été validés par l’Ademe.
L'expérience sénégalaise
- d'une version familiale
Au sénégal, un programme de biogaz familial est en cours de réalisation dans ce qui est convenu d'appeler le bassin arachidier. Il s'agit de petites unités destinées à fournir du gaz de consommation courante aux ménages et ce à partir de résidus végétaux et fumier d'animaux.
Dans la région de saint louis (NORD DU SENEGAL) la société de gestion des abattoirs du sénégal mène en relation avec "BIO ECO" et d'autres partenaires, une production de biogaz à partir des déchets de l(abattoir. Ces déchets proviennent de l'abattage d'une dizaine de bovins par jour et sont composés de déchet de panse des animaux tués, le fumier issu de leur stabulation, les eaux de lavage de l'abattoir et le sang. Le but du jeu est de vendre le gaz ainsi produit aux ménages situés dans l'environnement immédiat de l'abattoir.
- à une version industrielle.
En partenariat avec THECOGAS SENEGAL, SOGAS développe également une unité de production de biogaz dans son abattoir situé à dakar. C'est un digesteur (fermentation anaérobie) sous forme de bâche armée ayant une capacité de 4000 m3 dont 1000 m3 de gaz. Chaque année seront produit: au moins 876 MWH d’électricité verte à partir de la méthanisation, 1752 MWH de chaleur et 25 550 m3 d’eau. L'énergie produite correspondra à 48% de la consommation actuelle de la société et contribuera donc à une diminution d'autant de sa facture énergétique.
Le digestat issu de la métanisation est réputée être un excellent fertilisant pour les plantes et un bon amendement pour les sols et pourra donc être utilisés par les agriculteurs. Il est un excellent moyen de participer à la gestion durable des terres.
DR. LAMINE NDIAYE, Dg Thecogas Sénégal Technique Biogaz