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Cheikh Mouhamed Fadel KEBE Enseignant Chercheur à l’ESP de Dakar : « L’énergie pourrait être pour l’Afrique ce que l’électronique est pour le Japon. »

L’Afrique a toute les potentialités pour devenir une des puissances incontestables en énergie mais …
Fadel Kébé nous dit pourquoi.

Présentez-vous à nos lecteurs

Je suis Professeur assimilé à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar et Directeur du centre du centre d’incubation et de Développement d’Entreprises Innovantes (Innodev/UCAD). J’évolue en tant qu’enseignant chercheur à l’École Supérieure Polytechnique rattachée à l’UCAD où je fais mes recherches au sein du Centre International de Formation et de Recherche en Energie Solaire (CIFRES). Mes activités de formation consistent à former des cadres scientifiques et techniques capables de dimensionner, d’installer des systèmes d’énergies renouvelables et d’en assurer leur maintenance. A côté de ce volet formation, je participe à des recherches nationales et internationales sur les composants des modules d’énergies renouvelables (solaire photovoltaïque, Éolienne) et particulièrement leur adaptation à l’utilisation en milieu tropicale. Ces activités nécessitent des bases de données sur les paramètres d’environnement et des paramètres électriques liées aux technologies étudiées. A ce titre les plateformes dédiées sont développées par l’équipe de recherche que je dirige pour l’étude des performances des modules solaires Photovoltaïques et des petites éoliennes au Sénégal. Je m’occupe également de valorisation des résultats de recherche et de l’accompagnement à la création d’entreprises innovantes au sein du Centre d’Incubation et de Développement d’Entreprises Innovantes (Innodev/UCAD). Dans le secteur de l’Énergie, on fait la promotion des emplois verts dans l’efficacité énergétique et les Énergies renouvelables.

Un mot sur les énergies renouvelables et de sa maîtrise dans les bâtiments

Si on interroge les systèmes d’information Énergétique de nos pays, on se rend compte que le bâtiment est un des secteurs les plus consommateurs d’énergie pour l’Afrique. Ceci pour confirmer que la maitrise de l’énergie et l’intégration des énergies renouvelables dans le bâtiment n’est pas encore une réalité dans nos pays.
Il faut ainsi encore des démarches de sobriété énergétique (adopter les bonnes pratiques pour réduire la consommation énergétique) suivies de l’efficacité énergétique (utiliser des équipements efficaces pour l’apport de l’énergie comme des appareils de classe A) dans nos bâtiments. Une fois maîtrisée, la consommation d’énergie dans nos bâtiments, on peut s’attaquer à l’intégration des énergies renouvelables dans le secteur du bâtiment.
Des efforts sont lancés en ce moment avec des projets à l’échelle nationale, régionale et Internationale pour développer ces volets comme l’atteste à l’échelle de la CEDEAO. En effet, l’adoption de la Politique de la CEDEAO en matière d’Énergies Renouvelables (EREP) et de la Politique de la CEDEAO en matière d’Efficacité Énergétique (EEEP) atteste de l’engagement déterminé des États membres de la CEDEAO à développer leurs énergies renouvelables. Ces politiques marquent leur engagement en faveur de divers objectifs régionaux ambitieux en matière de développement énergétique.

Les énergies renouvelables : une réelle opportunité et un défi pour l’Afrique ?

Il est clair que les Énergies renouvelables sont une réelle opportunité et un défi pour l’Afrique eu égard à son potentiel énorme dans les différentes formes d’énergies renouvelables mais aussi et surtout vu les taux d’électrification observées dans ses pays.

Quelles évolutions et quelles contraintes pour le développement des énergies renouvelables dans les BTP ?

Plusieurs contraintes peuvent être à l’actif du développement des énergies renouvelables, on peut citer :
• Les contraintes politique expliqué le non engagement des Etats pour le développement des énergies renouvelables ;
• Un manque de lois et règlements pour contraindre l’intégration des énergies renouvelables dans le secteur des BTP et même dans les autres secteurs ;
• Un manque de personnels qualifiés pour porter ces projets ;
• Des procédures très longues et fastidieuses par exemple au Sénégal l’utilisation des énergies renouvelables par la connexion réseau n’existe pas encore.

Vous avez faits des travaux de recherches dans ce domaine, pourriez-vous nous en parlez ?

L’université Cheikh Anta Diop à travers l’École Supérieure Polytechnique développe des recherches très appliquées dans le Secteur des énergies renouvelables en matière de production d’énergie mais également sur l’efficacité énergétique dans les bâtiments.
Pour l’efficacité énergétique dans le Bâtiment, on peut citer les travaux réalisés par le Laboratoire d’énergie Appliquée (LEA) de l’École Supérieure Polytechnique sur les matériaux bio-sourcés comme le son de mil pour augmenter l’isolation des bâtiments. Le Département Génie Civil travaille sur la valorisation des argiles du Sénégal pour leur utilisation dans le bâtiment. Le plan minéralier du Sénégal est visité et les types d’argiles rencontrés font l’objet de stabilisation avec le ciment ou la chaux pour leur utilisation dans la construction. Les études sur les matériaux bio-sourcés se poursuivent sur d’autres types de végétaux comme la plante envahissante qu’est le Typha et les fibres de coco. La plante Typha fait même l’objet d’un programme national dénommé PNEEB/Typha porté par le ministère de l’Environnement en collaboration avec les partenaires au Développement que sont le PNUD et le FEM. Pour dire que l’École Supérieure polytechnique a lancé un chantier énorme dans ce domaine. Des pistes de réflexion sont à engager pour voir comment valoriser ces résultats dans le bâtiment et créer des filières matériaux intégrant ces innovations mais également permettant l’accès à des coûts raisonnables pour les populations.
Dans la production d’Énergies Renouvelables, le Centre International de Formation et de Recherche en Energie Solaire (CIFRES) effectue des recherches nationales et Internationales extrêmement valorisation pour le développement des Énergies Renouvelables. On peut citer la filière locale de production de maintenance de petites éoliennes destinées à l’électrification rurale (EolSenegal). Une éolienne est entièrement fabriquée à l’école et une petite startup créée pour développer la filière au Sénégal et dans la sous-région.
La CIFRES développe également des recherches sur l’adaptation des systèmes d’énergies renouvelables dans les climats tropicaux particulièrement en Afrique Sahélienne. Des études sur la dégradation des panneaux solaires photovoltaïques face à des paramètres tels que les rayons UV, la température, l’humidité et la poussière sont développées pour étudier leurs modes de dégradations et leur vieillissement. Des résultats intéressants publiés dans de grandes revues constituent des acquis importants et surtout des retours d’expériences significatifs pour les fabricants sur la filière photovoltaïque en Afrique Sahélienne.

Avec les travaux de construction des deux plus grandes centrales solaires d’Afrique de l’Ouest au Sénégal et Burkina Faso, l’Afrique est-elle sur la bonne voie ?

Oui tout à fait, l’Afrique doit se lancer résolument dans l’exploitation de ses gisements en énergies renouvelables. Il faut que l’Afrique pense à mettre en place des réseaux interconnectés fiables pour pouvoir absorber ces formes d’énergies renouvelables de manière optimale. On pourrait ainsi avoir des pôles de production en énergies renouvelables dans les différentes régions de l’Afrique selon la richesse des potentiels et injecter la production à travers les réseaux à l’échelle régionale; La CEDEAO, une échelle pertinente pour ce type de projet. On pourrait ainsi développer des projets éoliens sur toute la franche côtière; Accentuer la production de l’hydroélectricité, qui est déjà l’une des formes d’énergie renouvelables la mieux établie, dans les zones à fort potentiel près de l’équateur. Intensifier le Solaire photovoltaïque un peu partout du fait de son potentiel mieux partagé et viser surtout dans les grandes espaces pour monter des grandes centrales.
L’Afrique doit développer la cogénération jusque-là absente des productions bien que le gisement soit énorme et les besoins complètement en phase.

Quel est l’avenir des énergies renouvelables en Afrique et particulièrement au dans la Zone CEDEAO ?

Avec la transition énergétique qui est lancée, l’avenir réserve de beaux jours pour les énergies renouvelables en Afrique. De plus en plus les gouvernants et les populations sont conscients des défis à relever et de l’énorme potentiel que les pays Africains disposent en Énergies Renouvelables.
Récemment les politiques adoptées en matière d’Énergies Renouvelables (EREP) et en matière d’Efficacité Énergétique (EEEP) atteste de l’engagement déterminé des États membres de la CEDEAO à développer leurs énergies renouvelables. Ces politiques marquent leur engagement en faveur de divers objectifs régionaux ambitieux en matière de développement énergétique.

À l’échelle nationale, les États membres de la CEDEAO ont même commencé à intégrer le développement des énergies renouvelables dans leurs processus décisionnels. Ils consolident également leur engagement en élaborant des plans d’action nationaux sur les énergies renouvelables (NREAP).
Au début de 2014, 13 États membres avaient adopté une forme de stratégie d’appui aux énergies renouvelables, 12 États membres avaient défini des objectifs en matière d’énergies renouvelables et les 15 États membres avaient approuvé au moins une stratégie ou un objectif en faveur du développement des technologies d’énergies renouvelables à l’échelle nationale.
Dans l’ensemble de la CEDEAO, les objectifs en matière d’énergies renouvelables ont été un outil central pour la définition de l’avenir ambitieux tracé pour le secteur énergétique à l’échelle internationale

Quels messages avez-vous pour ces pays africains qui tardent à prendre le train en marche ?

Résolument, c’est de se lancer dans la maitrise des consommations énergétiques dans les divers secteurs. Soutenir l’exploitation des potentiels en énergies renouvelables que regorgement l’Afrique et ainsi développer des projets très ambitieux en énergies renouvelables.
Je pense dans ce contexte mondial de changement climatique, de développement durable, si l’Afrique parvient à gagner le parti de l’énergie, elle prendra définitivement sa place dans le concert des nations. L’énergie pourrait être et même plus, ce que l’électronique est pour le Japon.
Pour cela, il faut former une masse critique de personnes à différents niveaux depuis l’ouvrier spécialisé jusqu’au chercheur qui doivent continuer à réfléchir sur les innovations propres à l’Afrique dans ce Secteur. Nous avons la chance d’avoir la jeunesse qu’il faut, le potentiel de progression vu les niveaux de couverture énergétique et la forte nécessité de se développer.
L’Afrique tient-là à travers le vecteur du développement qu’est l’énergie, une chance Inouïe pour se repositionner dans le monde.
Les politiques ont leur rôle à jouer dans tout cela. Le secteur dont on parle dépend fortement des décisions politiques fortes et bien encadrées.