Biogaz, atout économique et écologique pour l'agriculture
Grâce au lisier de ses vaches et de ses truies et au sérum de ses laitières, le Gaec des Beaudor, à Tence (Haute-Loire), produit l’équivalent de la consommation énergétique annuelle de soixante-dix foyers. Un atout non seulement économique mais aussi écologique pour l’exploitation.
À Gardaillac, petit hameau perché sur les hauteurs de Tence, à la frontière de la Haute-Loire et de l'Ardèche, les montbéliardes profitent d'une ombre salvatrice en cette fin d'été parfois suffocante.
Pour suivre, matinalement, le maître des lieux, Jean-Julien Deygas, derrière la stabulation, il est conseillé d'avoir l'estomac bien accroché. Dans une piscine d'un genre particulier flottent quarante-cinq mètres cubes de liquide marron foncé à l'odeur pestilentielle.
« Un retour sur investissement inférieur à huit ans »
« Le raclage de nos vaches plus le lisier des truies et le sérum des laitières sont stockés là. Nous passons ça dans un séparateur de phase. À la sortie, la phase liquide part dans le méthaniseur et la phase sèche est réemployée comme litière pour les animaux. Cela fait une économie de paille de 6.000 € par an, sans affecter la qualité sanitaire de notre lait », savoure l'éleveur altiligérien.
Si le méthaniseur du Gaec fonctionne à plein régime depuis le mois de février, la mise en route s'est révélée chronophage. « C'est un type d'installation qui demande un temps d'adaptation pour fonctionner correctement. Nous avons démarré la construction en août 2014. Le raccordement a eu lieu en mai 2015 et nous avons eu ensuite 6 à 8 mois de flottement. »
« Aujourd'hui, ce méthaniseur tourne largement au-dessus de son objectif de 6.500 heures par an. Depuis février, nous en étions déjà début septembre à 4.500 heures. Seulement, pour démarrer un méthaniseur, il faut accepter d'acheter des issues de céréales pour une période de 6 à 12 mois car tu n'as pas forcément tous les intrants sur l'exploitation », enchaîne Dominique Troupenat, le patron de Cap énergies sud, concepteur et constructeur.
Cette période de lancement bien négociée, Jean-Julien Deygas et ses trois associés envisagent sereinement l'avenir. En premier lieu, sur le plan financier. « Nous produisons 260.000 kilowatt-heure (kW-h) par an, soit la consommation annuelle de soixante-dix foyers. A 22 centimes le kW-h, nous devrions réaliser un chiffre d'affaires autour de 55.000 € par an car le méthaniseur ne tourne pas tout le temps en raison des périodes de maintenance. Mais disons que sur les 265.000 € à rembourser, le retour sur investissement sera inférieur à huit ans. »
Mais l'éleveur voit bien au-delà de la stricte logique financière. « La motivation est d'aller au bout du raisonnement. Nous avons des animaux qui produisent du lait et de la viande. C'est génial d'aller encore plus loin et de produire de l'électricité avec les effluents de l'exploitation. De toute façon, à l'altitude où nous nous trouvons, il n'est pas possible de se lancer dans des cultures énergétiques, comme le maïs ensilage, à mettre dans le méthaniseur. »
La transformation en énergie des effluents n'est pas le seul bienfait écologique de ce modèle vertueux. Le digestat, le résidu liquide issu du processus de méthanisation, n'a pratiquement plus aucune odeur, ce qui réduit les nuisances pour le voisinage. « Par rapport au lisier que nous épandions auparavant, c'est le jour et la nuit, avance Jean-Julien Deygas. Ce n'est pas du parfum Chanel. Cela sent un peu comme du terreau. Les analyses montrent un apport en azote supérieur de 0,5 point par rapport à du lisier. Le digestat limite également les adventices, ce qui diminue d'autant le désherbage. »
Le système a de quoi donner des idées à d'autres éleveurs. « Attention, tempère l'associé du Gaec des Beaudor, il faut une certaine taille d'exploitation ou alors après, il faut se lancer dans de petits projets collectifs. Mais c'est vrai que quand les gens viennent ici et voient que ça marche, cela crée un certain engouement. »
« Nous ne savons pas faire plus petit en étant performant, confirme Dominique Troupenat. 35 kilowatt-heure (kWh), la puissance du cogénérateur, c'est déjà très loin des 250 à 500 kWh des méthaniseurs à base de cultures énergétiques. »
Dominique Diogon