SÉNÉGAL : orientations présidentielles sur la politique énergétique
L'Énergie joue un rôle primordial dans le développement économique et social de tout pays. Au Sénégal, le secteur de l'énergie vit une crise récurrente depuis plusieurs décennies ; crise marquée par un équilibre précaire entre l'offre et la demande et une situation financière tendue de SENELEC et de la SAR, les deux principales entreprises du secteur.
LE CONSTAT
Cette situation découle d'un constat clair et partagé, pouvant être déclinée en quelques points :
Une production d'électricité très peu diversifiée et essentiellement thermique, qui nous expose aux aléas du prix du pétrole dont la tendance à la hausse semble inéluctable, en dépit du léger repli constaté récemment ;
La persistance des délestages consécutifs à la vétusté des réseaux de transport et de distribution, ceci malgré les coûts très élevés supportés par l'État pour le financement du plan d'urgence pour le secteur de l'électricité (Plan Takkal) mis en place en 2011 et qui a permis d'obtenir des résultats sur certains aspects .
Un retard important dans la programmation et la réalisation efficiente des investissements dont le secteur avait besoin pour faire face à une demande croissante ;
Un taux d'électrification encore faible, surtout dans les zones rurales, avec seulement la moitié des Sénégalais qui ont accès à l'électricité ;
Des coûts de production très élevés qui requièrent que le Gouvernement verse à SENELEC une subvention aux consommateurs, dénommée compensation tarifaire, pour maintenir les prix de l'électricité à un niveau compatible avec le pouvoir d'achat des Sénégalais. Cette subvention devrait atteindre 120 milliards de FCFA en 2012, compte non tenu du financement de certains investissements pris en charge par l'État. Elle dépasse le budget de la Santé et de l'Action Sociale et se situe au même niveau que le budget de l'Agriculture et de l'Équipement rural.
LA NOUVELLE POLITIQUE
Le constat ci-avant, dans un contexte où le secteur regorge de compétences avérées, commande une reformulation claire et précise de la politique énergétique. Aussi, ai-je demandé au Gouvernement d'élaborer,dans un délai de trois mois, une nouvelle lettre de politique de développement du secteur de l'énergie accompagnée d'un plan d'actions détaillé de mise en œuvre.
Cette politique sera fondée sur des ressources durables, avec une structure de production (« Mix énergétique ») intégrant toutes les filières : les énergies renouvelables (solaire, éolienne, biomasse, petite et grande hydraulique, géothermie, etc.) et les énergies traditionnelles (hydrocarbures gazeux et liquides, charbon, etc.) selon des proportions garantissant la qualité de la fourniture, le moindre coût et la préservation de l'environnement.
Elle intégrera des solutions pour régler les problèmes en urgence, mais aussi garantir des solutions à moyen et long termes tout en veillant à la rationalisation des différents fonds dédiés au secteur et au renforcement de la régulation. La transparence et la bonne gouvernance seront érigées en règle absolue de mise en œuvre de cette politique.
Pour l'électricité
Pour ce qui concerne plus particulièrement le sous-secteur de l'électricité, toutes les mesures seront prises à très court terme afin de garantir une bonne qualité de la fourniture et limiter la subvention supportée par les finances publiques. A cet effet, les possibilités de réduction des charges de fonctionnement de SENELEC seront explorées à tous les niveaux, notamment les charges en combustibles.
SENELEC sera renforcée et restructurée, autant sur le plan technique que sur le plan financier. Cette restructuration sera mise en œuvre dans le cadre d'une démarche inclusive et tenant compte de l'expérience internationale. La séparation des activités, notamment la fonction production, sera étudiée, de même que la participation du secteur privé et le cadre institutionnel adapté. La gestion de l'entreprise fera l'objet d'un Contrat de Performance avec la nouvelle équipe de gestion à qui des obligations de résultats et de reddition des comptes seront fixées. Le gouvernement assurera pleinement ses fonctions de tutelle et de contrôle à travers le Conseil d'administration et les corps de contrôle.
A moyen et long termes, la nouvelle politique énergétique vise une baisse structurelle des coûts de production, ainsi que l'indépendance énergétique du Sénégal. Ainsi :
la mise en œuvre des projets en cours fera l'objet d'un suivi rigoureux pour éviter les dérapages dans les délais ;
Une attention particulière sera accordée au potentiel gazier de la Mauritanie qui devrait nous permettre d'acheter de l'électricité à ce voisin du Nord dans le cadre du renforcement de la coopération bilatérale, avec l'appui de nos partenaires au développement notamment la Banque Mondiale. Il en sera de même pour le potentiel hydroélectrique de la République sœur de Guinée.
L'intégration et la coopération énergétique occuperont une place centrale dans le plan de développement de l'offre. Les projets de construction de centrales hydroélectriques seront fortement soutenus dans le cadre de l'Organisation pour la Mise en Valeur du fleuve Sénégal (OMVS) et de l'Organisation pour la Mise en Valeur du fleuve Gambie (OMVG).
Les possibilités d'interconnexion au réseau électrique nord-africain et ouest-africain seront également développées.
Les sources d'énergies renouvelables seront considérées de façon efficiente dans le système de production, avec la définition d'un Programme national d'intégration du solaire photovoltaïque dans le bâtiment, l'éclairage public et les édifices publics, à côté des grands projets de centrales.
En même temps que l'augmentation de l'offre, une politique hardie de gestion de la demande d'énergie sera mise en œuvre. Il s'agira :
- pour les ménages d'une application effective de la généralisation des lampes et des équipements électroménagers à basse consommation ;
- pour les entreprises, de la mise en place d'un programme d'audit énergétique.
Les réseaux de transport et de distribution seront renforcés pour compléter le développement de l'offre, mais également améliorer les performances par la réduction des pertes, ce qui permettra de réaliser des gains financiers conséquents.
Sur l'axe Nord, la réalisation d'un réseau de transport en 400 kilovolts permettra de garantir l'acheminement de l'électricité en provenance de la Mauritanie.
Au centre, le développement de l'axe Mbour-Kaolack et à plus long terme Kaolack-Tambacounda avec des réseaux de très haute tension seront les gages de succès de l'intégration énergétique sous régionale.
L'électrification rurale constituera une priorité majeure de la nouvelle politique énergétique. Elle visera un développement équilibré du Sénégal dans le cadre des pôles régionaux. A ce niveau : les programmes en cours feront l'objet d'une mise en œuvre rapide et efficace au profit des populations des zones rurales dont l'attente n'a que trop duré. Des ressources supplémentaires seront recherchées pour accélérer le programme d'électrification rurale.
Pour pérenniser le programme d'investissement découlant de ces orientations politiques, la participation de tous sera nécessaire. C'est ainsi, qu'il est envisagé en plus des efforts attendus de l'État et de SENELEC, une contribution de la population visant à rationaliser la subvention de l'État sur l'Électricité qui est de l'ordre de 2% du PIB, ce qui permettra de réduire le déficit budgétaire projeté à 6% en 2012.
Ce niveau élevé de subvention n'est pas soutenable en même temps que la mise en œuvre du programme social sur lequel je me suis engagé et que j'ai la ferme intention de mener à bien.
Tout en protégeant les ménages à consommation modeste, les petites et moyennes entreprises, ainsi que la compétitivité de notre économie, le Gouvernement étudiera en relation avec les structures compétentes, les possibilités d'ajustement des tarifs de certaines catégories de consommateurs. La lutte contre la fraude sera également renforcée afin d'augmenter les revenus de SENELEC.
Pour les hydrocarbures
Le sous-secteur des hydrocarbures qui joue un rôle tout aussi important sur l'économie et dont l'impact sur les coûts et la qualité de la fourniture de l'électricité est indéniable, sera également suivi :
Son mécanisme de régulation sera renforcé pour assurer un approvisionnement fiable et à moindre coût en produits pétroliers.
La promotion des investissements privés et de la saine concurrence sera pleinement prise en charge.
La régulation des hydrocarbures sera rationalisée avec celle de l'électricité dans le souci d'une meilleure coordination des actions des deux segments du secteur de l'énergie.
La recherche et la prospection pétrolière seront renforcées avec une plus grande transparence dans les conditions d'attribution des permis. Une participation minimale des privés nationaux à côté de la société nationale PETROSEN sera étudiée.
L'utilisation actuelle des gisements de gaz naturel sera réorientée effectivement dans la production d'électricité publique.
La Société Africaine de Raffinage (SAR) devra être pleinement compétitive et sa production aux normes, avec une répartition équitable des engagements selon la répartition de son capital. Ainsi, le statut de la marge de soutien qui lui est versée sera étudié et éventuellement corrigé.
Concernant l'importation, le stockage et la distribution, une large concertation sera organisée avec tous les acteurs pour une rationalisation des activités dans le but de réduire les coûts au profit des consommateurs. Il s'agira de veiller à ne pas entraver la concurrence par des situations de monopole ou de positions dominantes.
La structure des prix des hydrocarbures sera également étudiée en vue de supprimer toutes les niches de surcoût et de déterminer les mesures pouvant permettre de baisser et/ou de stabiliser les prix.
Pour les combustibles domestiques
Les combustibles domestiques qui occupent une place prépondérante dans le bilan énergétique du Sénégal seront également pris en charge dans le but d'éviter la déforestation : l'approvisionnement en gaz butane sera rationalisé, les déchets organiques seront valorisés.
CONCLUSION
L'économie du Sénégal ne pourra pas atteindre sa pleine croissance tant que le secteur de l'énergie n'aura pas atteint des performances optimales. C'est pourquoi, j'ai décidé de veiller personnellement à ce que le Gouvernement et toutes les structures opérant dans le secteur produisent rapidement des résultats tangibles.
Mes orientations dans ce sens sont claires, elles seront déclinées par le Gouvernement sous forme d'actions opérationnelles avec des indicateurs que nous pourrons suivre régulièrement afin d'apporter au besoin les correctifs nécessaires en temps utiles.
Je convoquerai à cet effet des Conseils Présidentiels pour la validation et le suivi de la mise en œuvre de ce plan d'actions, avec une communication adaptée pour que nous soyons tous informés des progrès dans le redressement du secteur.
Macky Sall, Président de la république du Sénégal, communiqué conseil des Ministres du 26/07/2012